D’ici 2022, le marché de la biométrie devrait connaître une forte croissance. Une opportunité que les PME et grands groupes français qui misent sur l’innovation pour conquérir des parts de marché à l’étranger comptent bien saisir.
La France fait partie des pays les plus avancés en matière de biométrie, indique le cabinet d’études Xerfi. Dans une publication de décembre dernier, celui-ci annonce, sans toutefois donner de chiffres, une forte croissance du marché en Asie, aux États-Unis et en Afrique à l’horizon 2022. Quant au marché européen, sa progression sera plus lente. Principales raisons, la fragmentation du marché et l’avènement du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui consacre le caractère sensible des données biométriques. Cette difficulté est toutefois bien comprise par les acteurs de la biométrie. Tirant profit de l’intégration de capteurs d’iris, d’empreintes digitales et de reconnaissance faciale dans les smartphones et autres supports, leurs offres se positionnent sur quatre applications majeures. A savoir la surveillance et l’identification de masse pour lutter notamment contre le terrorisme, la sécurisation des documents d’identité, la sécurisation des transactions et le contrôle d’accès pour protéger les systèmes d’information ainsi que les lieux sensibles.
Des équipements nativement compatibles avec le RGPD
C’est sur cette dernière application que se positionne le français Eden-Innovations. Filiale du groupe Alma Industries, qui fournit des solutions de sécurité des biens et des personnes, cette PME fabrique des lecteurs d’empreintes digitales et de réseaux veineux. En 2018, elle a réalisé 3 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 80% à l’étranger et 20% en France) avec près d’une vingtaine de salariés. « Nous avons mis en place un système de chiffrement qui sécurise l’ensemble des données entrant ou sortant du boîtier. Ce qui rend nos lecteurs nativement compatibles avec le RGPD », nous indiquait début janvier Julien Veron, directeur général de l’entreprise en présentant son dernier lecteur d’empreintes digitales baptisé Sowit. L’appareil embarque une fonction anti-hacking qui déclenche l’effacement des données en cas de tentative de piratage. Si ses lignes design lui permettent de se fondre dans les locaux professionnels, il fonctionne aussi à l’extérieur des bâtiments à des températures extrêmes allant de -15°C à +55°C. Enfin, ce lecteur embarque un capteur fourni par Idemia. Issu de la fusion entre Morpho (ex-Safran) et Oberthur Technologies, le groupe fait partie des trois poids lourds français de la biométrie avec In Group (anciennement Imprimerie nationale) et Thales qui vient de racheter le fabricant Gemalto début avril.
Un logiciel pour piloter les lecteurs biométriques
Sécurisation des transactions
Pas de quoi inquiéter les grands groupes français qui se positionnent sur le marché mondial avec des applications intéressant les États et les grandes organisations, comme la sécurisation des identités et des transactions. Des marchés que visent par exemple Gemalto. Présente dans 47 pays, cette multinationale spécialisée dans la fabrication des cartes à puce, l’identité numérique et la protection des données réalise 3 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2018, avec 15 000 collaborateurs dont plus de 3 000 ingénieurs en R&D. Parmi lesquels une équipe travaille sur la biométrie au sein de la direction innovation. Gemalto s’est d’ailleurs fait remarquer en lançant la première carte bancaire intégrant un capteur d’empreintes digitales ainsi que les données biométriques du porteur. Résultat, nul besoin de taper son code ou encore de changer les terminaux de paiement dans les banques et magasins. Ces cartes biométriques de paiement devraient arriver sur le marché européen en 2020. Plusieurs tests sont actuellement en cours en Europe. « Nous menons des expérimentations avec la Banca Intesa en Italie, la Bank of Cyprus à Chypre et au Royaume Uni avec RBS et Natwest », indique Raphaël de Cormis, directeur de l’innovation chez Gemalto, qui estime que la biométrie permet d’améliorer l’expérience utilisateur et la sécurisation des transactions.
Biométrie comportementale en renfort
Pour améliorer la reconnaissance d’empreintes digitales et résister aux attaques extérieures, ce dernier travaille avec ses équipes sur des algorithmes de Machine Learning qui seront intégrés et mis à jour dans la carte biométrique de paiement. Laquelle pourrait embarquer en 2021 un moteur neuronal visant à améliorer davantage sa fiabilité. Gemalto travaille, en outre, sur la biométrie comportementale appliquée au contrôle d’accès, lors du passage automatisé de frontières, par exemple. Partant du principe que chaque démarche est unique, la solution consiste à analyser les déplacements des passagers. A partir d’images vidéo, elle modélise un squelette un virtuel dans lequel sont identifiées les position de la tête, des mains et pieds. Il s’agit d’un dispositif assez économe en termes de déploiement puisqu’une seule caméra suffit pour augmenter la sécurité et compléter les dispositifs de vérification de passeport par reconnaissance faciale, déjà déployés dans les aéroports.
Reconnaissance faciale sécurisée par l’IA
Intégrer un moteur d’Intelligence Artificielle dans une solution biométrique pour renforcer sa robustesse, c’est justement la voie qu’emprunte la start-up United Biometrics, spécialisée dans la fourniture de solutions biométriques multimodales et déployables sur n’importe quel terminal connecté. « Aujourd’hui, lorsqu’une personne s’enrôle à l’aide de son smartphone, l’éclairage n’est pas toujours optimal ni même la position de la caméra par rapport au visage, ce qui peut générer des erreurs », rapporte Yves Chemla, directeur général de l’entreprise. D’où l’idée d’intégrer un moteur neuronal qui permettra à l’utilisateur d’être reconnu même dans des conditions difficiles. Ces développements ont été menés avec un laboratoire du CNRS. Actuellement en phase de test, « IA Face + » devrait être disponible au début de l’été. « Nos clients pourront l’implémenter sur tous leurs terminaux et PC », indique Christophe Richard, le président de l’entreprise, qu’il a cofondée en 2014 avec Yves Chemla.
Biométrie multimodale sur smartphone hautement sécurisé
Tous deux sont des experts de longue date en biométrie. En 2006, ils ont obtenu un brevet français, portant sur un dispositif biométrique embarqué sur un terminal mobile, un PC ou une carte à puce. L’objectif étant de protéger les paiements et autres transactions contre les attaques extérieures. Depuis, leur portefeuille de brevets s’est enrichi et s’est étendu à toute l’Europe ainsi qu’aux États-Unis. Sur cette base, leur PME, qui compte une douzaine de personnes, a développé sa propre plateforme d’authentification biométrique avec des solutions multimodales utilisables simultanément. Par exemple, elle sait associer les reconnaissances faciale et vocale, ou même gestuelle. « Les données sont ensuite stockées de manière anonymisée et sous une forme non-réversible », précise Yves Chemla.
Partenariat avec IBM et Airbus Defence & Space
Nativement conforme au RGPD, la solution de la PME a été choisie par IBM pour être intégrée dans sa suite logicielle « IBM Security » destinée à sécuriser les transactions bancaires effectuées sur les portails des grandes banques à partir d’un PC, une tablette, un smartphone ou tout autre objet connecté. United Biometrics a, par ailleurs, noué un partenariat avec Airbus Defence & Space. « Nous lui fournissons des solutions biométriques multimodales qui sont embarquées dans des smartphones fonctionnant sur deux réseaux sécurisés, en l’occurrence Tetra (Terrestrial Trunked Radio) et la 4G », explique Christophe Richard. Pour faciliter le déploiement de ses solutions biométriques dans le Cloud ou dans l’environnement de ses clients, la PME les embarque dans les conteneurs numériques Docker et Kubernetes. « Notre offre est ainsi moins chère à déployer tout en offrant une meilleure disponibilité », assure le président de la PME.
Eliane Kan